La petite enfance est une étape de croissance primordiale. Ce que l’on apprend et vit à ce moment façonnera notre réussite et notre personne. Il va sans dire que les influences coloniales passées et présentes ont perturbé les pratiques parentales et d’éducation traditionnelle des enfants. De plus, ces bouleversements continuent indéniablement à affecter le développement des enfants autochtones pendant leur tendre enfance et au-delà. En regard des contextes multiples et uniques dans lesquels évoluent les enfants autochtones, il importe d’assurer leur épanouissement en développant et en offrant durablement à leurs parents et collectivités des outils adaptés ayant égard à leur culture. Un nombre croissant de recherches sur le développement de la petite enfance a démontré que les familles réussissent à offrir un environnement stable et propice à l’épanouissement de leur progéniture lorsqu’on les dote d’une solide connaissance le processus de développement précoce de leurs enfants.

C’est dans cet esprit que l’Initiative de la famille Martin (IMF) a offert à la bande Ermineskin Crie de co-développer un programme d’interventions prénatales et pendant l’enfance. Ensemble, l’IMF, la bande Ermineskin, les Services sociaux Maskwacis (SSM) et la Commission scolaire Maskwacis (CSM) ont créé le programme pilote La Petite Enfance. En 2018, celui-ci a bénéficié d’une subvention de la Fondation Brain Canada et d’un donateur anonyme.

La démarche scientifique du programme La Petite Enfance diffère des autres projets financés par la Fondation Brain Canada jusqu’à maintenant. En effet, l’évaluation est accomplie de manière respectueuse en tissant des liens et en assurant un co-développement continu avec la collectivité. La Petite Enfance fait appel à des intervenantes qui visitent la collectivité, dont plusieurs sont mères elles-mêmes, afin d’aider les femmes enceintes et leur jeune famille dans leur foyer en les accompagnant au fil des embûches lié à leur rôle de parent. « La Fondation Brain Canada a vraiment pris un risque avec ce projet et a fait preuve d’une réelle compréhension du fait que la recherche ne se fait pas en vase clos. Il y a moyen d’envisager la recherche d’un point de vue communautaire et relationnel », affirme Chloe Ferguson, directrice du programme La Petite Enfance.

IFM et ses partenaires ont travaillé avec des sommités en la matière afin d’élaborer une formation exhaustive de 45 heures à l’intention des visiteuses, soit un « cours intensif sur le développement des enfants » selon Chloe Ferguson. Ils ont aussi créé un éventail de ressources originales qui marient des innovations purement autochtones et des recherches scientifiques avant-gardistes sur le développement pendant la petite enfance. Un jeu de 170 cartes « boîtes à outils » procure des sujets de conversation, des activités et des renseignements utiles de manière à encadrer chaque visite et faire découvrir aux parents les expériences d’apprentissage précoce de leur enfant, tout en solidifiant les liens familiaux et culturels.

Le programme est en à sa quatrième année et connaît un vif succès. Melissa Tremblay, une chercheuse et pédopsychologue autochtone, qui, avec Bryan Kolb, établit l’orientation scientifique du projet, affirme que la réputation du programme et le sentiment de confiance des participants envers les intervenantes sont déjà palpables d’après les commentaires recueillis lors d’évaluations. « Ayant participé à de nombreuses initiatives communautaires… je dirais que l’engouement pour ce projet, les liens qui ont été tissés et l’adoption du programme par la collectivité sont formidables. »

Heather Downie, gestionnaire de programme, attribue une large part de ce succès au simple fait d’écouter les sages communautaires. « Les leçons les plus importantes font déjà partie des connaissances ancestrales. Les paroles des sages peuvent donc servir de tremplin pour passer nos messages et les étayer avec les données scientifiques les plus récentes. »

Grâce au succès du programme La Petite Enfance au sein de la bande Ermineskin Crie, le projet a été étendu à trois autres collectivités Maskwacis. Comme l’affirme Melissa Tremblay, « les collectivités avec lesquelles nous travaillons ont les ressources et les atouts nécessaires pour surmonter leurs défis qui se présentent. Notre rôle est d’accompagner les partenaires communautaires en offrant une perspective différente quant à la manière d’exploiter ces atouts ».

Bien qu’il soit encore trop tôt pour confirmer bienfaits à long terme de nos interventions, le programme La Petite Enfance illustre bien à quel point on peut décupler les forces existantes des familles et collectivités autochtones en établissant des collaborations fructueuses et en intégrant leur culture dans la démarche scientifique.