Une application mobile intelligente renforce la communication entre le clinicien et le patient et fournit des informations continues sur l’humeur et la médication

Conçue pour permettre aux médecins de suivre les symptômes des patients et leur réponse à la médication entre les rendez-vous, une application intelligente alimentée par l’intelligence artificielle (IA) démontre un potentiel prometteur comme outil novateur dans le traitement de la dépression et de l’anxiété, selon une récente étude.

Financée par la Fondation Brain Canada et Bell Cause pour la cause, l’étude a mobilisé des chercheurs du Centre de recherche de l’Hôpital Douglas de McGill à Montréal, qui ont participé en 2022 à une étude internationale de faisabilité menée dans neuf centres. L’objectif : déterminer si les soins psychiatriques peuvent être personnalisés et gérés grâce à l’utilisation de nouvelles technologies.

Sept cliniciens et douze patients ont participé à des essais portant sur une application développée par une jeune entreprise québécoise. Cet outil donne la possibilité aux patients de transmettre régulièrement des informations à leur médecin, permettant ainsi une meilleure gestion de leur maladie et de leur médication.

Issus de cinq cliniques spécialisées en troubles de l’humeur au Canada et de quatre autres aux États-Unis, les participants ont été répartis aléatoirement pour évaluer l’efficacité et la sécurité du système d’aide à la décision clinique, dans le cadre de l’étude AID-ME (Artificial Intelligence in Depression – Medication Enhancement).

« À l’heure actuelle, les médecins doivent souvent procéder par essais et erreurs pour trouver la bonne médication afin de pouvoir traiter la dépression et l’anxiété », explique la Dre Manuela Ferrari, professeure agrégée au Département de psychiatrie de l’Université McGill et chercheuse au Centre de recherche de l’Hôpital Douglas. « Ce processus est frustrant, chronophage et souvent éprouvant pour le patient. »

En utilisant un système d’IA fermé, l’algorithme de l’application posait aux patients des questions sur leur humeur, basées sur un questionnaire standardisé, et aidait à prédire leur réponse à la médication. Les médecins pouvaient ensuite consulter les réponses et obtenir des informations plus détaillées qu’au cours d’une consultation habituelle en clinique.

« La technologie ne prenait pas la décision à la place du clinicien, elle offrait simplement une meilleure compréhension de la situation du patient », souligne la Dre Ferrari. Grâce à cela, les cliniciens pouvaient décider plus rapidement si le médicament prescrit était adapté au patient et si une intervention urgente était nécessaire.

Sur les 74 patients ayant participé à l’étude de faisabilité, 61 (42 dans le groupe actif et 19 dans le groupe témoin actif) ont terminé l’étude. Parmi eux, près de 30 % ayant utilisé l’application ont atteint une rémission, comparativement à aucun dans le groupe témoin. Selon une récente publication de l’équipe de recherche, « il s’agit de la première utilisation longitudinale efficace et sécuritaire d’un système d’aide à la décision clinique basé sur l’intelligence artificielle pour améliorer les résultats du trouble dépressif majeur ».

La Dre Ferrari explique que l’étude de faisabilité s’est conclue à la fin de 2023. Les chercheurs ont examiné les données et ont récemment dévoilé leurs résultats. « Nous savons que la technologie a été utilisée efficacement, qu’elle a été bien accueillie par les cliniciens et les patients, qu’elle n’a pas compromis l’expérience des soins de santé et qu’elle n’a présenté aucun risque pour les patients. »

Les données recueillies dans le cadre de cette étude seront offertes en libre accès scientifique et mises à la disposition d’autres entreprises développant des technologies similaires.

La Dre Ferrari souligne que le développement et l’approbation de nouvelles technologies pour le diagnostic et le traitement des patients constituent un long processus qui exige des investissements importants. Toutefois, l’étude prouve qu’une application offrant un suivi continu entre le clinicien et le patient a prouvé son efficacité et mérite d’être intégrée aux futurs protocoles de traitement.

Nous devons élargir l’offre de soins au-delà des environnements traditionnels et en dehors des interactions ponctuelles. Nous devons être présents là où le patient se trouve. C’est précisément là que la technologie peut jouer un rôle clé »

la Dre Ferrari