Un essai clinique financé par la Fondation Brain Canada et Bell Cause pour la cause déterminera si une application destinée aux mères peut modifier le cerveau de leur enfant

Des chercheuses canadiennes font l’essai d’une application conçue pour traiter la dépression post-partum et l’anxiété, et déterminent si une meilleure santé mentale chez la mère influe sur le développement cérébral de l’enfant.

Financé par la Fondation Brain Canada et Bell Cause pour la cause, cet essai contrôlé randomisé (ECR) baptisé BEAM (Building Emotional Awareness and Mental Health) recrutera 300 mères présentant une dépression post-partum ou des symptômes d’anxiété. Deux cohortes ont déjà entamé le programme et deux autres le commenceront au printemps 2025.

En plus d’évaluer la santé mentale parentale avant et après l’intervention, cette étude a la particularité d’en mesurer l’effet d’entraînement sur la progéniture. La dépression post-partum accable environ 12 % des nouveaux parents.

Selon Catherine Lebel, neuroscientifique à l’Université de Calgary et l’une des dirigeantes du projet : « La santé mentale de la mère est doublement importante, car elle affecte aussi l’enfant et la famille. C’est particulièrement le cas pendant la petite enfance, un moment déterminant qui s’avère un terreau fertile pour un développement sain ou, inversement, pour des problèmes latents ».

Dans le cadre de l’essai BEAM, la moitié des mères utiliseront pendant 10 semaines l’application thérapeutique qui inclut notamment des vidéos hebdomadaires, des exercices, des aspects sociaux, du coaching parental virtuel, ainsi que l’accompagnement d’un psychologue. L’autre moitié recevra les soins standards. Les chercheuses évalueront la santé mentale et le stress des mères avant et après le traitement, ainsi que son effet sur le comportement de leur enfant.

Codéveloppé par Lianne Tomfohr-Madsen de l’Université de la Colombie-Britannique et Leslie Roos de l’Université du Manitoba, le programme BEAM a déjà fait ses preuves lors d’un essai pilote approfondi, mais c’est la première fois qu’il fait l’objet d’un ECR et d’une évaluation de son effet sur la santé mentale maternelle par rapport au développement cérébral de l’enfant.

À compter de janvier 2025, les enfants de trois et quatre ans dont la mère a participé à l’essai BEAM seront soumis à des imageries par résonance magnétique (IRM) afin d’examiner leur structure et fonctions cérébrales.

Les neuroimageries révéleront :

  • l’épaisseur du cortex (la couche périphérique du cerveau) et la connectivité structurelle du cerveau ;
  • les connexions cérébrales, la substance blanche qui relie différentes régions et facilite la communication ;
  • le flux sanguin et le métabolisme cérébral, ainsi que la manière dont différentes régions cérébrales fonctionnent ;
  • la fonction cérébrale et la coordination des signaux entre les différentes régions du cerveau.

L’analyse des données devrait commencer à la fin de l’essai, soit dans 18 mois environ, afin d’évaluer si le programme convient à toutes les mères ou seulement certaines d’entre elles.  Si l’essai s’avère concluant, il pourrait être étendu à d’autres problèmes de santé mentale.

Ashley Pharazyn a été l’une des premières à participer à l’essai pilote BEAM. Cinq ans auparavant, cette mère de deux enfants établie à Winnipeg avait vécu l’anxiété post-partum après la naissance de son deuxième fils. Elle ne tarit pas d’éloges pour l’intervention.

Aujourd’hui, elle œuvre comme coach parental pour l’essai BEAM en tenant des rencontres virtuelles individuelles avec 31 parents. Elle compare son expérience de la dépression post-partum à « une tornade intérieure ». « Je n’étais plus moi-même, dit-elle. Soudainement, j’étais devenue soupe au lait, susceptible et je criais. Ça ne me ressemblait pas. »

Au terme de l’intervention BEAM, « tout a changé, pour le mieux. J’ai appris à reconnaître les signes et symptômes quand je me sentais à bout. J’ai appris à demander de l’aide, ce qui n’est pas dans ma nature ». Désormais, elle écoute, aide et partage ses stratégies avec d’autres mères partout au Manitoba, même à des endroits aussi reculés que Churchill.

BEAM a l’énorme avantage de rendre les soins de santé mentale accessibles aux populations vivant en région rurale ou éloignée, mais aussi aux personnes qui n’ont pas les moyens d’accéder à de tels services.

Dès lors que ce programme aura fait ses preuves, nous pourrons ouvrir le dialogue avec les gouvernements provinciaux et les autorités sanitaires en vue de l’implanter à grande échelle, de trouver des sources de financement et d’en assurer la gestion »

Catherine Lebel