Par Alison Palmer, responsable de l’évaluation et des projets spéciaux, Fondation Brain Canada 

Un projet pilote financé en 2012 par une subvention de l’Initiative de recherche multichercheurs (IRMC) de la Fondation W. Garfield Weston et la Fondation Brain Canada a prouvé qu’il était possible de réparer les lésions cérébrales chez les enfants qui ont subi des traitements de radiothérapie. L’équipe mène actuellement un essai clinique de phase trois pour tester à plus grande échelle l’efficacité de la réutilisation de la metformine – un médicament largement utilisé pour traiter le diabète et les troubles métaboliques chez l’enfant – en vue d’améliorer les résultats chez les enfants en rémission après un cancer du cerveau. 

L’histoire de Tobin 

À l’âge de deux ans, Tobin a reçu un diagnostic de tumeur cérébrale rare. À l’âge de cinq ans et de neuf ans, il a connu deux récidives. Durant son enfance, Tobin a subi un total de 63 traitements de radiothérapie au cerveau, 20 cycles de chimiothérapie ainsi que trois chirurgies majeures et trois mineures à l’hôpital SickKids. 

Aujourd’hui dans la mi-vingtaine, Tobin est devenu infirmier autorisé et consacre sa carrière à redonner au milieu qui l’a tant aidé. Il a même fait son stage à SickKids, un lieu qui était devenu pour lui une seconde maison. Mais son parcours vers la guérison n’a pas été sans embûches ; il y a trois ans, Tobin a dû subir une chirurgie à cœur ouvert après avoir reçu un diagnostic de sarcome métastatique ultra-rare qui s’était développé dans son cœur.  

Sa mère, Karen Haas, est extrêmement fière de la résilience et des réalisations de son fils. Elle est aussi profondément reconnaissante. 

Compte tenu de toute la radiothérapie qu’il a subie enfant pour son cancer initial puis pour les récidives, nous savons ce que ça signifie qu’il soit devenu infirmier autorisé aujourd’hui

Karen Haas

Karen est bien consciente des effets secondaires à vie de tous les traitements qu’a reçus Tobin. Bien que souvent essentiels à la survie du patient, les traitements contre le cancer du cerveau peuvent être extrêmement toxiques et avoir des conséquences dévastatrices sur un cerveau en développement. Les survivants sont souvent confrontés à des problèmes médicaux importants à long terme, notamment des troubles cognitifs, des retards de croissance, des accidents vasculaires cérébraux précoces et des pertes d’audition. 

L’essai clinique pilote financé par la Fondation Brain Canada avait pour objectif d’atténuer ces effets indésirables liés aux traitements. Plus précisément, le Dr Don Mabbott de l’Hôpital pour enfants malades a cherché à savoir si la metformine, un médicament contre le diabète, pouvait favoriser la récupération cognitive et réparer les dommages dans un cerveau en développement. Cet essai a permis de passer de la recherche fondamentale à la clinique, en s’appuyant sur les travaux de la Dre Freda Miller sur les cellules souches neuronales, et de la Dre Cindi Morshead sur un modèle de rongeur. 

Pendant sa préadolescence, Tobin, impatient de retourner à l’école, de jouer au baseball et au hockey et de profiter des camps d’été, a eu la chance de participer à cet essai pilote avec 23 autres survivants de tumeurs cérébrales pédiatriques qui avaient reçu une radiothérapie crânienne. 

Quel est l’impact? 

L’essai pilote a été couronné de succès : le médicament a été jugé sûr et bien toléré par les enfants qui l’ont reçu, et les chercheurs ont constaté une amélioration de la réparation du cerveau ainsi qu’une progression dans certaines tâches cognitives à court terme après le traitement. 

Ces résultats ont permis à l’équipe de passer à l’étape suivante : un essai clinique de phase trois à grande échelle. Cet essai, toujours en cours de recrutement, se déroule dans 14 sites au Canada et 4 en Australie, avec plusieurs autres en cours de développement aux États-Unis. Il est financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et la Société canadienne du cancer avec un investissement de 2,5 millions de dollars, ainsi qu’une subvention australienne de 1 million de dollars australiens. 

La subvention IRMC de la Fondation Brain Canada a permis de franchir une étape décisive dans le processus translationnel, du pilote à la phase trois.  Lorsqu’on parle de recherche collaborative, c’est cette subvention que je cite en exemple, car elle a véritablement permis une transition, des modèles cellulaires et moléculaires animaux jusqu’aux études sur les humains. C’était un véritable programme de recherche multidisciplinaire, et je pense que c’est ce qui en fait un véritable succès.

– Dr Don Mabbott

Le Dr Mabbott est également impliqué dans plusieurs autres essais qui ont découlé des résultats de ce projet pilote financé par la Fondation Brain Canada. L’essai du réseau CHILD-BRIGHT, financé par la Stratégie de recherche axée sur le patient (SRAP) des IRSC, entre autres, évalue si la metformine combinée à la physiothérapie améliore les compétences motrices et cognitives chez les enfants atteints de paralysie cérébrale. La Société canadienne de la sclérose en plaques (SEP) finance également un essai pour tester si la metformine peut réparer la matière blanche endommagée chez les jeunes et les jeunes adultes atteints de SEP. 

La metformine a-t-elle contribué aux résultats positifs de Tobin? 

Nous ne le saurons jamais avec certitude si elle a eu un impact », admet Karen. Ces types d’essais, qui testent la faisabilité d’un médicament à l’échelle d’une population par rapport à un placebo, ne se penchent pas sur les résultats individuels. Cependant, Karen reconnaît que cette expérience a changé leur vie, mais aussi la façon dont ce type de recherche est menée. 

Karen et Tobin ont été impliqués dès le départ dans la demande de financement pour l’essai de phase trois, et Karen a aidé à mettre en place le Comité de mobilisation des parties prenantes, qu’elle préside. Tobin en fait également partie. Leur rôle consiste à soutenir le recrutement, à partager des idées sur l’expérience des participants à ces essais cruciaux et à alléger autant que possible le fardeau des patients et de leurs familles. 

 Tobin apporte une perspective unique — il sait ce que c’est que d’être un jeune qui doit prendre des pilules et passer une série de tests. Maintenant qu’il est jeune adulte, il est davantage en mesure d’exprimer ce qu’il a vécu lorsqu’il était enfant participant à la recherche ; il peut faire part des difficultés qu’il a vécues et contribuer à améliorer l’expérience pour les familles à venir

– Karen Haas

En plus de son implication dans l’essai de phase trois, Karen est présidente du Comité consultatif des familles en recherche à l’Hôpital pour enfants malades. Elle a également siégé pendant six ans au Comité d’éthique de la recherche, en Ontario. Le Dr Mabbott la décrit comme « une ressource exceptionnelle ». 

« Être impliquée dans cet essai d’envergure dès la phase de rédaction des subventions est crucial », fait remarquer Karen. « Je pense d’ailleurs que c’est ainsi que la recherche devrait être menée — en impliquant les patients partenaires dès le départ. » 

Liens utiles

Pour en savoir plus, écoutez le balado SickKids VS: Can we heal the brain? « C’est l’histoire d’un groupe de scientifiques qui tente de répondre à l’une des plus grandes questions qui soit : pouvons-nous guérir le cerveau? Et celle d’une famille qui les accompagne, et pour qui la réponse est essentielle.

En 2012, le Dr Donald Mabbott, scientifique principal en neurosciences et santé mentale à l’Hôpital pour enfants malades, et ses collègues de recherche, la Dre Freda Miller, la Dre Cindi Morshead et le Dr Paul Frankland, ont reçu une subvention de 1,5 million $ dans le cadre l’Initiative de recherche multichercheurs (IRMC), parrainée par la Fondation W. Garfield Weston et la Fondation Brain Canada. L’équipe multidisciplinaire a confirmé que la metformine, un médicament contre le diabète de type 2, agissait sur la même voie découverte dans les cellules souches neurales, stimulant ainsi la genèse des cellules cérébrales et favorisant la réparation du cerveau endommagé. Afin d’accroître le potentiel translationnel des recherches, les études ont été menées à la fois sur des souris et sur des humains, avec un accent particulier sur la régénération du cerveau chez les enfants. 

Pour en savoir plus, consultez notre site web : Aider les enfants avec un cerveau endommagé.