Par Alison Palmer, responsable de l’évaluation et des projets spéciaux

La plateforme financée par la Fondation Brain Canada permet de nouvelles technologies pour la découverte de médicaments, afin de traiter un large éventail de maladies et de troubles cérébraux, allant de l’épilepsie et l’autisme en passant par les tumeurs cérébrales et la SLA

Le point de départ

Il y a dix ans, la Dre Deborah Kurrasch, de l’Université de Calgary, a reçu une Subvention de soutien aux plateformes de la Fondation Brain Canada totalisant 2,7 millions de dollars pour explorer une idée audacieuse : accélérer la découverte de médicaments pour les troubles neurologiques. Ce financement a mené à la création de deux entreprises, à l’enregistrement d’une série de brevets et au développement d’une méthode novatrice pour découvrir de nouveaux traitements destinés à améliorer la santé cérébrale.

Dans le cadre de ce programme phare de la Fondation Brain Canada, la Dre Kurrasch a mis au point une technologie brevetée appelée MitoREAD, conçue pour identifier de nouvelles cibles médicamenteuses pour les maladies cérébrales. Elle a ensuite fondé une entreprise dérivée, Path Therapeutics, afin de commercialiser cette technologie. Et grâce à un financement supplémentaire de 5 millions de dollars, elle a pu embaucher huit employés et appliquer MitoREAD à l’identification et à la validation de nouvelles cibles thérapeutiques.

« Rien de cela n’aurait été possible sans l’aide de la Fondation Brain Canada. Je le dis sans hésitation : cette subvention a été un véritable tremplin pour notre projet, admet la Dre Kurrasch. Ç’a été transformateur. »

Aujourd’hui, après plusieurs ajustements et apprentissages, la Dre Kurrasch est en discussions avec des sociétés pharmaceutiques pour établir un partenariat ou peut-être céder sa deuxième entreprise dérivée, Stream Neuroscience. Cette société développe un médicament qui cible l’une des découvertes de MitoREAD. À ce jour, elle a déposé des brevets pour cette thérapie qui bloque les crises épileptiques et améliore la fonction cognitive dans les modèles animaux.

L’idée audacieuse

La subvention obtenue par la Dre Kurrasch avait pour objectif de tester un concept novateur : utiliser les mitochondries — qui génèrent l’énergie dont les cellules ont besoin pour survivre et fonctionner — comme levier pour identifier de nouvelles cibles médicamenteuses pour les maladies cérébrales. Les neurones possèdent des millions de mitochondries, alors que la plupart des autres cellules du corps n’en comptent que quelques centaines. Les mitochondries sont donc d’une importance cruciale pour la santé des neurones. Par ailleurs, leur mutation est à l’origine d’un large éventail de maladies et de troubles cérébraux.

Dans cette optique, la Dre Kurrasch a formulé l’hypothèse selon laquelle toute normalisation ou amélioration de la fonction mitochondriale pourrait réduire les symptômes de diverses maladies et troubles du cerveau, servant de base à un résultat de criblage qui pourrait révéler de nouvelles voies thérapeutiques et de potentiels médicaments. MitoREAD, sa technologie brevetée de dépistage, évalue la fonction mitochondriale comme pierre angulaire de la plateforme technologique. La Dre Kurrasch et son équipe ont initialement utilisé des modèles de la maladie du poisson-zèbre pour tester la fonction mitochondriale, en recourant à des organoïdes cérébraux cultivés en laboratoire à partir de cellules souches de patients.

Dre Deborah Kurrasch

La découverte 

« Ce qui est fascinant, et ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est que la dysfonction mitochondriale est constante dans toutes les maladies cérébrales que nous avons étudiées — près d’une vingtaine de modèles jusqu’à présent. Ce phénomène n’est pas propre à une maladie ou à un trouble en particulier », précise la Dre Kurrasch.

« Qu’il s’agisse d’épilepsie ou d’autisme, de tumeurs cérébrales, de SLA ou encore de schizophrénie, nous observons systématiquement une perturbation robuste et reproductible de la fonction mitochondriale. Lorsque nous appliquons des thérapies de première intention à des modèles sur ces différents troubles neurologiques, nous constatons que cette fonction mitochondriale se stabilise. Ce n’est pas parce que ces traitements ciblent directement les mitochondries, mais parce qu’ils améliorent le fonctionnement global des neurones, et les mitochondries en sont un indicateur. »

Par exemple, le médicament que la Dre Kurrasch et son équipe développent actuellement avec Stream Neuroscience est non seulement efficace pour réduire les crises dans un modèle génétique d’épilepsie, mais il démontre également des améliorations sur le plan cognitif et une réduction de l’anxiété. Ces travaux illustrent la valeur de l’approche « Un cerveau » de la Fondation Brain Canada, où chaque découverte a le potentiel d’influencer un éventail de maladies et troubles cérébraux, tout en approfondissant notre compréhension du fonctionnement du cerveau. Ils mettent également en lumière l’importance du soutien aux plateformes de recherche.

« L’approche Un cerveau marque une transition vers des traitements capables d’agir globalement pour rétablir les fonctions complexes du cerveau », explique la Dre Viviane Poupon, présidente-directrice générale de la Fondation Brain Canada. « Le fait de considérer le cerveau comme un système unique amplifie considérablement le potentiel d’impact. »

L’importance du soutien aux plateformes

« Il est crucial que la Fondation Brain Canada poursuive son soutien au développement de plateformes, car le besoin est immense », souligne la Dre Kurrasch. « Au Canada, les opportunités de financement pour le développement technologique sont extrêmement limitées. Pourtant, de nombreux chercheurs à travers le pays ont besoin de ce soutien pour faire avancer leurs idées novatrices. »

Les subventions de soutien aux plateformes offertes par la Fondation Brain Canada permettent aux équipes de créer des ressources et des services à la fine pointe pour faire progresser la recherche sur le cerveau. Ces ressources sont ensuite partagées conformément aux principes de la science ouverte avec d’autres équipes de recherche au Canada et à l’international. Ce qui rend ces subventions uniques, c’est qu’elles financent des spécialistes hautement qualifiés, chargés de développer et de maintenir ces ressources indispensables, qu’il s’agisse d’échantillons biologiques, de bases de données, d’outils technologiques ou de services. Ces plateformes sont aujourd’hui reconnues comme des moteurs essentiels de la recherche et de l’innovation.

Originaire de Californie, la Dre Kurrasch, qui connaît bien le secteur biotechnologique, a reçu de nombreuses distinctions pour ses réalisations entrepreneuriales. Elle s’est récemment vu décerner le prix Women in Innovation de l’Alberta Science and Technology Foundation et figure parmi les 100 femmes les plus influentes au Canada en 2024. Au cours de sa carrière, elle a obtenu plus de 60 millions de dollars en financement, publié 73 articles scientifiques et donné 125 conférences invitées.

En 2014, la Dre Deborah Kurrasch a reçu une subvention de 2,7 millions de dollars de la Fondation Brain Canada et de l’Alberta Children’s Hospital Research Institute pour soutenir sa plateforme intitulée « Nouvelle plateforme utilisant le poisson-zèbre pour le développement d’agents anticonvulsifs », en collaboration avec les Drs Jong Rho, Jeffrey Buchhalter et Mary Connolly. La Dre Kurrasch est professeure et directrice adjointe du Département de génétique médicale à l’Université de Calgary. Elle est également PDG et cofondatrice de Stream Neurosciences.