Comment un nouveau biomarqueur pourrait contribuer au diagnostic et au traitement précoce et non invasif de la SLA 

« C’est très significatif pour toute notre équipe, de nos étudiants, techniciens et assistants de recherche à nos collaborateurs de diverses disciplines, de travailler ensemble sur ce projet et de garder à l’esprit les patients et leur famille en premier lieu. » Dr Yeni Yucel

Comme le dit le proverbe, les yeux sont les fenêtres de l’âme. À présent, des chercheurs pensent avoir trouvé une nouvelle signification à ce proverbe qui a des implications importantes pour la compréhension des maladies neurodégénératives comme la SLA : les yeux sont les fenêtres du cerveau.  

Grâce au financement de la Société canadienne de la SLA et de Brain Canada, une équipe interdisciplinaire de l’Unity Health Toronto, dirigée par le Dr Yeni Yucel et la Dre Neeru Gupta, utilise une technologie d’imagerie largement disponible pour découvrir quelque chose de tout à fait nouveau : ce que les yeux peuvent nous dire sur la SLA. 

Ils espèrent ainsi trouver un moyen non invasif et très accessible de détecter un nouveau biomarqueur potentiel de la SLA, ce qui contribuera à une meilleure qualité de vie, à une gestion plus facile des soins et à des essais cliniques plus simples pour les patients atteints de SLA. 

UNE PARTIE DE CERVEAU QUI VOIT ET QUI PEUT ÊTRE VUE

Dre Gupta est ophtalmologiste, tandis que le Dr Yucel est neuropathologiste et spécialiste des maladies oculaires.  Ils s’intéressent tous les deux à ce que les yeux peuvent nous dire sur le cerveau depuis plusieurs années. 

« L’œil est en fait une extension du cerveau », explique la Dre Gupta. « Nous nous sommes donc toujours intéressés à l’œil en tant que fenêtre sur les maladies neurodégénératives. » 

L’avantage de travailler avec des yeux, eh bien, c’est qu’on peut les voir. Si une maladie commence à se manifester dans le cerveau ou la moelle épinière, il est impossible de la voir directement ou il faut des équipements coûteux et sophistiqués pour l’observer. Les outils nécessaires à l’exploration des yeux sont déjà disponibles dans les cabinets d’ophtalmologistes du monde entier.

Mais quel est le lien entre les yeux et la SLA? 

UN NOUVEAU BIOMARQUEUR ACCESSIBLE POTENTIEL

À l’heure actuelle, la SLA est diagnostiquée par un processus d’élimination, ce qui peut souvent entraîner un délai entre l’apparition des symptômes et le début d’un plan de traitement. Pendant cette période non diagnostiquée, les motoneurones se dégradent rapidement. 

Cette situation est due au fait qu’il existe peu de biomarqueurs fiables et faciles à détecter pour la SLA. 

En 2013, Dre Gupta a lancé la Human Eye Biobank for Research (HEBR) à l’hôpital St. Michael’s de Toronto. Cette biobanque a permis pour la première fois aux chercheurs d’accéder facilement à des échantillons de tissus oculaires provenant de donneurs atteints d’un large éventail de maladies.

En examinant des échantillons de tissus post-mortem, le Dr Yucel a commencé à remarquer quelque chose d’unique. De nombreux échantillons de patients atteints de la SLA montrent des signes de sphéroïdes axonaux dans l’œil. Ces sphéroïdes, qui sont des enflures dans les axones de la rétine, sont semblables à une marque pathologique de lésion axonale trouvée dans le cerveau et la moelle épinière des patients atteints de la SLA. 

Il a alors émis l’hypothèse que si l’on regarde dans les yeux des patients vivants et que l’on détecte ces sphéroïdes, cela pourrait constituer un moyen simple, non invasif et beaucoup plus rapide de diagnostiquer la maladie et de suivre sa progression. 

LE POTENTIAL D’UN MEILLEUR DÉPISTAGE ET D’UNE MEILLEURE QUALITÉ DE VIE

Avec le soutien de la bourse de découverte, les docteurs Yucel et Gupta, ainsi qu’une équipe hautement collaborative, tenteront de déterminer si les dispositifs d’imagerie oculaire clinique largement disponibles, comme l’ophtalmoscope laser à balayage (SLO) et la tomographie en cohérence optique (OCT), peuvent être utilisés pour déterminer la présence de sphéroïdes chez les patients. En plus d’utiliser la technologie standard pour poser de nouvelles questions, ils exploreront également des techniques d’imagerie plus perfectionnées pour voir comment ils peuvent mieux caractériser le profil de l’œil. 

S’il est couronné de succès, ce projet permettra d’établir un biomarqueur sans contact, non invasif, rapide et relativement peu coûteux pour la SLA. En plus de contribuer à un diagnostic plus précoce et plus fiable, ces biomarqueurs pourraient un jour être utilisés pour suivre l’évolution de la maladie au cours des essais cliniques ou mieux comprendre la vitesse à laquelle elle progresse.

« Je pense que ce qui rend ce projet unique, c’est que c’est quelque chose que nous n’avons jamais vu ou entendu dans le domaine auparavant », indique le Dr David Taylor, vice-président de la recherche pour la Société canadienne de la SLA. « Ces sphéroïdes valent vraiment la peine d’être examinés, car il pourrait s’y trouver quelque chose de vraiment puissant. »

UNE MOTIVATION PERSONNELLE

Les Drs Yucel et Gupta ne sont pas seulement motivés par la curiosité.

« L’un de mes amis très proches, du temps de mes études doctorales, souffrait de la SLA », nous confie le Dr Yucel. « Lorsqu’un ami aussi proche est touché, on voit vraiment l’impact de la maladie. » Bien que son ami soit décédé, il est toujours en contact avec les membres de la famille de ce dernier qui le soutiennent beaucoup dans son travail. 

Les deux chercheurs ont également eu un collègue qui est décédé de la SLA, et ils ont côtoyé un certain nombre de patients par l’intermédiaire de la Société canadienne de la SLA, autant de relations qui ont contribué à leur désir de trouver des options moins invasives et plus accessibles pour les patients. 

Les Drs Yucel et Gupta soulignent leur gratitude envers les patients et les familles qu’ils servent, ceux qui souffrent actuellement de SLA et ceux qui ont fait don de leurs tissus à la biobanque après leur décès. 

« Notre travail est une façon d’honorer ces patients qui nous ont confié leurs précieux tissus », affirme Dre Gupta. « C’est une façon de servir la communauté »

Un financement qui a un impact

Depuis 2014, le partenariat entre la Société canadienne de la SLA et la Fondation Brain Canada a permis d’investir plus de 24 millions de dollars dans des recherches de pointe qui ont permis de mieux comprendre la SLA. Le programme de bourses de découverte est conçu pour stimuler l’innovation qui accélérera notre compréhension de la SLA, afin d’identifier les voies menant à des thérapies futures et à des soins optimisés pour améliorer la qualité de vie des personnes et des familles vivant avec cette maladie dévastatrice. En 2022, neuf projets ayant reçu une bourse de découverte 2021 se partageront 1,125 million $.

« Les avantages de partenariats comme celui qui existe entre Brain Canada et la Société canadienne de la SLA vont bien au-delà des investissements financiers indispensables à la recherche sur la SLA », affirme Dre Catherine Ferland, chef de la recherche et des programmes à Brain Canada. « Chaque fois que nous pouvons améliorer notre compréhension d’une maladie cérébrale rare et invalidante comme la SLA, nous ouvrons la porte à un avenir plus prometteur. »

Le programme de bourses de découverte est rendu possible grâce au soutien financier de Santé Canada, par l’entremise du Fonds canadien de recherche sur le cerveau, un accord novateur entre le gouvernement du Canada (par l’entremise de Santé Canada) et Brain Canada, à la générosité des sociétés provinciales de la SLA et des donateurs de la Société canadienne de la SLA, et grâce aux efforts communautaires, y compris 40 pour cent des recettes nettes de la Marche pour vaincre la SLA.