L’adolescence marque une période de profond changement ; un temps de découverte et de transition à la fois excitant et difficile. Une partie des changements est redevable aux hormones qui commencent à circuler à cet âge, ce qui, en plus de conduire à l’expression des caractères sexuels secondaires, déclenche un changement dans le développement du cerveau. Cette époque marque également le début de problèmes de santé mentale pour de nombreuses personnes, surtout au sein des groupes vulnérables comme les jeunes LGBTQIA2+.

Parmi eux, un sous-groupe s’avère particulièrement vulnérable aux effets des hormones sur le cerveau : les personnes souffrant d’une dysphorie de genre. La dysphorie de genre est une affection reconnue dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), un ouvrage publié par l’American Psychiatric Association qui sert de référence pour diagnostiquer les troubles de santé mentale.

À l’adolescence, ils se soumettent soit à un blocage pubertaire pour freiner l’apparition des caractères sexuels secondaires, soit à une hormonothérapie pour déclencher l’apparition des caractères de l’autre genre. Or, peu d’études ont été faites sur les effets du blocage ou des hormones sur le développement du cerveau. On a assurément exploré la cause cérébrale des troubles mentaux, tout en négligeant d’étudier la façon dont l’hormonothérapie peut affecter les zones cérébrales concernées.

C’est précisément cet aspect que Malvina Skorska a choisi d’étudier dans le cadre de ses études postdoctorales. Grâce à la bourse de formation parrainée par la Fondation Brain Canada et le Réseau pour la santé du cerveau des enfants, elle a pu recruter des jeunes éprouvant une dysphorie de genre ainsi que des jeunes cisgenres. Ils se soumettront à des imageries par résonance magnétique (IRM), une technique de neuroimagerie qui permet de scruter la structure et les fonctions cérébrales. Grâce aux images obtenues, Malvina Skorska pourra comparer les images cérébrales à différents stades de l’hormonothérapie par rapport aux cisgenres, notamment l’effet des différentes hormones sur le développement du cerveau ainsi que tout changement qui s’opérerait au moment où les caractères sexuels secondaires de l’autre sexe commencent à s’exprimer.

Au cours de sa bourse postdoctorale financée par la Fondation Brain Canada et le Réseau pour la santé du cerveau des enfants, Malvina Skorska a reçu une formation sur l’analyse des aspects de la structure cérébrale, notamment en dirigeant une étude examinant l’épaisseur du cortex, la surface corticale et le temps de relaxation T1 (qui reflète généralement la densité des tissus sous-jacents). Les sujets de l’étude étaient des adolescentes de sexe féminin attribué à la naissance (groupe GD AFAB), des garçons et des filles cisgenres (dont l’identité de genre correspond au genre assigné à la naissance). Le groupe GD AFAB n’avait pas entamé de traitement par blocage pubertaire ni d’hormonothérapie. L’équipe de Malvina Skorska a également examiné les caractéristiques cérébrales liées à l’orientation sexuelle et à l’âge des participants. En comparant les caractéristiques de chaque groupe, les chercheurs ont observé des écarts relatifs au sexe assigné à la naissance, notamment en ce qui concerne la surface corticale (garçons cisgenres > adolescentes GD AFAB et filles cisgenres). Cependant, l’étude de l’orientation sexuelle par rapport à l’âge a révélé une similarité de la structure corticale parmi les garçons cisgenres et les adolescentes GD AFAB, en particulier par la taille plus petite des T1 (soit un tissu plus dense et riche en macromolécules).

Les résultats donnent à penser que la structure corticale des adolescentes GD AFAB concorde avec le sexe ressenti, mais dans le contexte de changements liés à l’âge dans les attirances sexuelles pendant l’adolescence.

Ces conclusions font valoir l’importance de l’évolution de la structure cérébrale liée à l’âge, de l’examen de la structure cérébrale au cours de l’adolescence, en tenant compte des indices plus subtils des tissus sous-jacents, ainsi que l’orientation sexuelle dans l’étude du développement cérébral, y compris celles portant sur la dysphorie de genre.

Dans l’ensemble, ces travaux enrichiront notre compréhension globale du développement cérébral pendant l’adolescence. Au-delà du savoir qu’il procure, ce projet profite également aux jeunes qui participent à l’étude, car ils sont heureux de contribuer à répondre aux questions suscitées par la dysphorie de genre et la façon dont elle se reflète dans le cerveau.

La bourse de formation a aussi permis à Malvina Skorska d’accroître ses propres connaissances scientifiques : « Ce fut une expérience très enrichissante et je suis reconnaissante envers la Fondation Brain Canada pour cette bourse postdoctorale », déclare-t-elle. « Avant d’entamer ce projet, j’en savais très peu sur les neurosciences et cette occasion m’a permis de recevoir une formation très utile en neuroimagerie et sur la manière de traiter les images obtenues ».

Outre sa formation sur l’acquisition, le traitement et l’analyse des neuroimageries, Malvina Skorska a également parfait ses connaissances sur la recherche clinique, l’éthique de recherche en milieu clinique, les collaborations avec un grand groupe d’experts dans leur domaine de spécialité, la rédaction de demandes de subventions ainsi que la manière de communiquer la recherche en neuroscience verbalement et par écrit à un public universitaire et général. Elle a participé à des webinaires sur les outils d’application des connaissances et sur le cheminement de carrière, ainsi que sur la participation familiale à la recherche dans le cadre d’un cours offert par cette bourse.

Les précieuses compétences en neurosciences acquises au fil des deux années de la bourse lui ont permis de décrocher une bourse postdoctorale des IRSC. Grâce à ces nouveaux fonds, elle peut continuer à étudier la dysphorie de genre, tout en scrutant plus attentivement la fonction cérébrale en intégrant à ses travaux des expériences cognitives et comportementales ainsi que différentes techniques d’analyse et d’interprétation des neuroimageries à l’aide de nouveaux outils qui ne cessent d’apparaître dans le domaine en pleine ébullition de la neuroimagerie.

« Cette aide financière m’a permis d’acquérir des talents très utiles, au-delà des méthodes de neuroimagerie, et qui s’avéreront inestimables au fil de ma carrière. »

Malvina Skorska espère que son travail aidera à combler les lacunes entre les interventions en santé mentale et la recherche en neurosciences. Une meilleure connaissance des régions cérébrales qui interviennent dans la dépression ou la suicidarité faciliterait la mise au point de thérapies ciblées, de manière à atténuer les problèmes de santé mentale. Il en résulterait aussi un meilleur encadrement pour les jeunes éprouvant une dysphorie de genre à un moment névralgique de leur développement, ce qui, à terme, améliorerait leur qualité de vie. 

L’article scientifique est disponible publiquement ici