La bourse de découverte aide les chercheurs à explorer le lien entre le cerveau et l’intestin, ainsi que le potentiel de futures traitements contre la SLA

« Je ne peux pas souligner à quel point ce soutien à la découverte est important pour faire avancer la recherche sur la SLA au Canada », mentionne le Dr Alex Parker. « Il permet de financer la recherche pertinente sur la SLA avec une approche translationnelle, qui n’est habituellement pas encore ciblée par les bourses conventionnelles, et de faire passer les projets à la prochaine étape importante. »

La relation entre l’intestin et le cerveau a suscité de plus en plus d’attention au cours des dernières années, et bien que nous savions déjà qu’il existe des preuves que les probiotiques soutiennent la santé intestinale, de nouvelles recherches montrent que les probiotiques pourraient également s’appliquer de façon intéressante à la SLA. Une équipe dirigée par le Dr Alex Parker (département de neurosciences de l’Université de Montréal, CRCHUM), a démontré que certaines bactéries probiotiques semblent supprimer les déficits moteurs et la dégénérescence des motoneurones chez des modèles animaux de SLA. En collaborant avec le Dr Matthieu Ruiz, (département de nutrition de l’Université de Montréal, et codirecteur de la plateforme métabolomique à l’Institut de cardiologie de Montréal), l’équipe est parvenue à mieux comprendre la biologie, et plus particulièrement les mécanismes lipidiques impliqués dans ce processus.

Cependant, il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour arriver à expliquer exactement comment ces bactéries probiotiques en particulier influencent la progression de la maladie dans les modèles animaux, et à voir si ces probiotiques pourraient un jour être inclus dans le traitement des personnes atteintes de SLA. Avec une bourse de découverte de 125 000 $ offerte par le programme de recherche de la Société canadienne de la SLA en partenariat avec la Fondation Brain Canada, le Dr Parker et le Dr Ruiz sont en mesure à passer à l’étape suivante.

Le concours des bourses de découverte est rendu possible grâce aux dons de contrepartie du Fonds canadien de recherche sur le cerveau, un partenariat novateur entre le Gouvernement du Canada (par l’entremise de Santé Canada) et de la Fondation Brain Canada, et également grâce à la générosité des donateurs des Sociétés provinciales de la SLA et de la Société canadienne de la SLA.

Modèles de vers et microbiome

Leur projet découle du travail du Dr Parker sur les probiotiques dans les modèles de vers. Bien que le fait de travailler avec des modèles de souris peut être coûteux et chronophage, le minuscule ver rond, C. elegans, peut être répliqué rapidement, ce qui permet aux chercheurs de tester des milliers de molécules et de consulter les résultats en une fraction du temps. « En changeant leur source de nourriture et leur microbiome, notre équipe a trouvé deux probiotiques qui étaient vraiment efficaces dans nos modèles de vers de SLA », explique le Dr Parker. Une souche de probiotiques en particulier, la HA-114, était particulièrement intéressante.

Audrey Labarre, étudiante en médecine, a été la clé de ce travail : « Elle a été la force motrice de ce projet dès le premier jour », déclare le Dr Parker. Récipiendaire d’une bourse de stagiaire de la Société canadienne de la SLA, Labarre, qui est l’auteure principale d’un article sur le travail de l’équipe à l’examen actuellement, est depuis longtemps convaincue de l’impact des bactéries intestinales sur le cerveau. « Je suis chanceuse parce que j’ai continué à étudier mon hypothèse de recherche qui est maintenant soutenue par une grande quantité de données », soutient-elle.

La prochaine étape : déverrouiller le mécanisme

Et ensuite? Soutenues par la bourse de découverte, les équipes de recherche seront en mesure de tester la HA-114 de manière plus robuste avec des modèles de souris, en analysant le spectre complet des changements métaboliques induits par la HA-114, et idéalement, en orientant les recherches vers le milieu clinique.

« Nous travaillons ensemble pour vraiment nous concentrer sur la biologie cellulaire et moléculaire, afin de clarifier les mécanismes lipidiques impliqués dans le processus étudié, car c’est ce qui pourrait préparer le terrain pour les essais cliniques », déclare le Dr Parker.

Les premiers résultats du DParker étaient intrigants : la science a démontré un effet cohérent, mais aussi un besoin clair. « Nous avons dû faire appel à des experts en biologie lipidomique à grande échelle », se souvient le DParker, pour comprendre comment et pourquoi la maladie ralentissait comme dans les modèles de vers de SLA. « Nous devons comprendre ce mécanisme en particulier. » La lipidomique est un domaine d’étude en pleine croissance qui utilise des approches de chimie analytique pour étudier la teneur en lipides des cellules. En comprenant le métabolisme des lipides, nous pouvons mieux comprendre les mécanismes moléculaires de la maladie, y compris la façon dont le métabolisme énergétique dysfonctionnel dans la SLA peut contribuer à la progression de la maladie.

C’est ici qu’entre en scène le Dr Matthieu Ruiz. Expert en métabolomique et fort d’une grande expérience en maladies mitochondriales, le Dr Ruiz a tenu à mettre son expertise au profit de l’étude de la SLA. « L’une des choses que nous tentons de faire, de notre côté, c’est d’isoler et d’identifier des signatures précises de manifestations cliniques de la maladie », explique-t-il. « La lipidomique non ciblée est intéressante, car on peut même trouver de nouveaux marqueurs, et l’utilisation des connaissances sur une maladie rare peut potentiellement être appliquée à d’autres. »

Le Dr Parker estime qu’en examinant l’oxydation bêta mitochondriale, soit le processus métabolique par lequel les acides gras sont décomposés en énergie, son groupe a identifié un nouveau mécanisme. Le partenariat avec le Dr Ruiz est tout aussi nouveau, et associe le travail génétique à des organismes modèles à la biologie lipidique.

Des vers aux souris, puis aux essais cliniques

Soutenues par la bourse de découverte, les équipes sont maintenant prêtes à faire progresser leur étude du simple modèle de ver au modèle de souris plus complexe. En se dirigeant vers l’étape des essais cliniques, qui pourrait suivre, le probiotique peut avoir un avantage particulier. Comme l’explique le Dr Ruiz, « d’autres approches pharmacologiques peuvent être plus toxiques (pathotoxiques, neurotoxiques et cardiotoxiques), mais les probiotiques sont plus sécuritaires. » Le Dr Parker note que de nombreux nouveaux médicaments échouent l’étape des essais cliniques en raison d’effets secondaires indésirables qui pourraient être nocifs même pour les personnes en bonne santé. En revanche, les probiotiques sont facilement tolérés par l’organisme, ce qui peut profiter au projet à mesure qu’il passe aux prochaines étapes, et pourrait finalement faire de la HA-114 un complément thérapeutique prometteur aux traitements actuels de la SLA.

Remarque importante : le travail effectué par le Dr Parker et le Dr Ruiz concerne un probiotique qui n’est pas commercialisé, appelé HA-114, et il est recommandé de discuter d’abord avec les membres d’une équipe clinique de la SLA de tout point à prendre en considération en ce qui concerne la prise de suppléments probiotiques.

Un financement qui fait la différence

Le programme de bourse de découverte rend ces liens possibles grâce à un modèle de financement qui favorise la collaboration interdisciplinaire, réunissant les meilleurs esprits pour s’attaquer à des problèmes complexes. Les bourses de découverte donnent aux idées novatrices et prometteuses le carburant dont elles ont besoin pour les faire progresser. En 2021, huit projets bénéficieront d’un financement total de 1 million de dollars.

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