Comprendre la manière dont les gènes « premiers répondants » provoquent la neurodégénérescence associée à la SLA

« Je suis très honorée de faire partie de ce groupe. Nous sommes des chercheurs, mais aussi des humains et nous savons à quel point la maladie est dévastatrice. Chaque jour, nous sommes déterminés à produire une science rigoureuse, car on veut aider les patients avec lesquels nous travaillons. » – Sali Farhan, Ph. D.

Grâce aux fonds accordés par la Société canadienne de la SLA et la Fondation Brain Canada, Martin Duennwald, un expert de l’Université Western en matière de mauvais repliements des protéines associés aux maladies neurodégénératives, travaille avec Sali Farhan, une étoile montante canadienne de la recherche œuvrant au Neuro (Institut-hôpital neurologique de Montréal). Ensemble, ils exploreront en quoi les mutations dans le gène DNAJC7 perturbent son activité comme « premier répondant » à l’intérieur des cellules et comment cette défaillance contribue à la SLA.

En 2019, lors de ses études postdoctorales, Sali Farhan a piloté un projet collaboratif qui a permis d’identifier le gène DNAJC7 comme facteur étiologique de la SLA. À partir d’un vaste ensemble de données, elle a pu démontrer une désactivation de ses fonctions protectrices dans la foulée de mutations.

Aujourd’hui, elle pousse ces recherches dans le cadre d’un projet conjoint avec Martin Duennwald.

UNE ENQUÊTE AMBITIEUSE MENÉE PAR UNE CHERCHEUSE EN DÉBUT DE CARRIÈRE

Au cours de ses études à l’Hôpital général du Massachusetts et à l’Institut Broad des universités MIT et Harvard, Sali Farhan a mené une vaste étude comparant plus de 4 000 cas de SLA à environ 8 000 échantillons de contrôle. « Ce fut la plus grande analyse comparative d’exomes par rapport à la SLA », affirme-t-elle, au sujet de l’étude qui portait sur les parties de l’ADN renfermant l’information sur le codage des protéines. « Nous étions à la recherche d’un signal qui se manifeste en présence de SLA, mais pas dans les échantillons de référence. » Son analyse a relevé des facteurs connus de la SLA, mais a aussi mis au jour quelque chose de nouveau.

« Nous avons observé des signaux inédits au sein d’un sous-groupe de cas comportant un gène appelé DNSJC57 », explique Sali Farhan. « C’est un gène codant une protéine dont la mutation entraîne la SLA. » D’autres découvertes ont suivi : son équipe a confirmé cette observation dans les cellules de patients atteints de SLA, c’est-à-dire que la protéine DNAJC7 était pratiquement absente en présence de mutations génétiques.

UN NOUVEAU PROJET : CHOC THERMIQUE, REPLIEMENT ET MAUVAIS REPLIEMENT

La prochaine étape consistait à faire appel à un expert capable d’élucider les mystères liés au rôle unique que joue la protéine de choc thermique DNAJC7, à savoir ses propriétés protectrices face aux problèmes à l’échelle cellulaire.

C’est à cette étape que Martin Duennwald s’est mis de la partie. « Sali traque les gènes : elle identifie ceux qui interviennent dans la SLA, ainsi que les mutations qui peuvent déclencher la maladie », explique-t-il. « Ensuite, mon équipe peut trouver comment fonctionne la mécanique. Ensemble, nous faisons une équipe solide. »

Quel est le rapport entre la SLA et un avion en papier qui ne peut voler bien droit ? Dans les deux cas, si c’est mal plié, tout est foutu. « Chaque protéine dans l’organisme doit former une structure tridimensionnelle parfaitement distincte », explique Martin Duennwald. « Bien repliée, une protéine formera la structure voulue. Lorsque ce n’est pas le cas, nous appelons ça un mauvais repliement et c’est une caractéristique notoire des maladies neurodégénératives, dont la SLA. »

Dans un corps sain, il y a des mécanismes qui empêchent les mauvais repliements et y remédient. Parmi eux figurent les protéines de choc thermique comme DNAJC7. Le stress cellulaire active ces premiers répondants qui travaillent alors à régler le problème naissant afin que la protéine puisse se replier normalement.

Une large part du travail accompli par Martin Duennwald consiste à décrypter cet origami complexe. « Ces mécanismes fondamentaux me tiennent éveillé la nuit, tout comme nos efforts en laboratoire pour comprendre leur rapport avec la SLA », déclare-t-il. Dans le cadre de son travail avec Sali Farhan, il doit explorer les défaillances de DNAJC7 comme premier répondant.

EXPLORER LES MUTATIONS ET LEUR ABSENCE

Pour ce projet conjoint, le laboratoire de Martin Duennwald étudiera en quoi les mauvais repliements à l’origine du dysfonctionnement de la protéine DNAJC7 aboutissent spécifiquement à la SLA.

Une partie de ce travail consiste à reproduire la mutation dans des levures modèles afin de comprendre comment elle fonctionne au niveau cellulaire. Quant à Sali Farhan, elle ajoutera à ses travaux des échantillons provenant de patients du monde entier afin de brosser un tableau complet des mutations à la protéine DNAJC7 au sein de la population mondiale de la SLA. L’équipe recueillera également des renseignements cliniques auprès des personnes présentant de telles mutations, tandis que des partenaires de l’Université Harvard analyseront leurs motoneurones et autres types de cellules afin de mieux cerner les caractéristiques cliniques de cette forme de la maladie. Ensemble, ils examineront la signature transcriptionnelle du gène : « nous cherchons à comprendre comment ce mauvais joueur influence les autres parties du génome », explique Sali Farhan. « Est-ce qu’il agit seul sur cette voie en particulier ou joue-t-il sur plusieurs tableaux ? »

Ce n’est qu’un début, mais Sali Farhan explique que l’objectif à long terme de l’équipe est de comprendre le fonctionnement de la protéine DNAJC7 mutée, mais aussi de son pendant fonctionnel chez ceux qui souffrent de SLA sans présenter la mutation. « Nous savons que ce gène en particulier y est pour quelque chose et nous pourrions un jour aider les patients possédant ou non la mutation en développant un traitement qui cible la voie empruntée par la protéine DNAJC7, par exemple en amplifiant son fonctionnement. »

UN MILIEU DE RECHERCHE AVEC UN OBJECTIF COMMUN

Sali Farhan éprouve un profond sentiment de gratitude face à ce moment prometteur : « Je suis très honorée de faire partie de ce groupe », explique-t-elle. « Nous sommes des chercheurs, mais aussi des humains et nous savons à quel point la maladie est dévastatrice. Chaque jour, nous sommes déterminés à produire une science rigoureuse, car on veut aider les patients avec lesquels nous travaillons. »

Cette mission fait partie intégrante du programme de financement : « le programme de bourses de découverte offre à des équipes pluridisciplinaires l’occasion unique de sonder des questions inédites », affirme Viviane Poupon, présidente et chef de la direction de la Fondation Brain Canada. « Nous rêvons d’un avenir sans SLA et pour y arriver, nous croyons que la collaboration est la clé du succès. »

David Taylor, vice-président, recherche, à la Société canadienne de la SLA, renchérit : « les bourses de découverte appuient des collaborations uniques ; dans ce cas-ci, un généticien et une biologiste des protéines unissent leur expertise afin de comprendre les tenants et aboutissants biologiques d’une découverte », dit-il. « Aussi, c’est valorisant d’aider les chercheurs en début de carrière afin qu’ils poursuivent les idées avant-gardistes qu’ils amènent dans leur domaine. »

Quant à lui, Martin Duennwald estime que la collaboration est un trait particulier du milieu de la recherche sur la SLA au Canada : « On ne trouve nulle part ailleurs un tel partage des connaissances et de l’expertise, sans l’ombre de mesquinerie, car nous partageons tous le même objectif », affirme-t-il.

« Nous souhaitons tous faire de la SLA une chose du passé que l’on peut maîtriser. »

Des fonds qui changent la donne

Le programme de bourses de découverte facilite les partenariats comme ceux-ci grâce à un modèle de financement privilégiant les collaborations interdisciplinaires afin que les meilleurs cerveaux puissent s’attaquer à des problèmes complexes. Les bourses de découverte donnent aux idées porteuses d’avenir la chance de porter fruit. En 2021, jusqu’à huit projets se partageront une enveloppe de 1 million de dollars.

Depuis 2014, la Société canadienne de la SLA et la Fondation Brain Canada ont conjointement investi plus de 23 millions de dollars dans la recherche d’avant-garde sur la SLA afin d’approfondir notre connaissance de la maladie. Le programme de bourse de découverte vise à favoriser les innovations qui accéléreront notre compréhension de la SLA, identifier de nouvelles avenues de traitement et optimiser les soins afin d’améliorer la qualité de vie des patients et des familles aux prises avec cette maladie dévastatrice.

Le programme de bourses de découverte voit le jour grâce au Fonds canadien de recherche sur le cerveau (avec le soutien financier de Santé Canada), à la générosité des chapitres provinciaux de la Société canadienne de la SLA et leurs donateurs, ainsi qu’à des initiatives communautaires, comme celle de la marche WalktoEndALS qui a versé 40 % des fonds recueillis.