Sydney Marconi est une jeune femme métisse d’Ottawa qui a des liens ancestraux avec la Première nation Kapawe’no, Traité 8. À 15 ans, Sydney a survécu à un accident de voiture qui lui a laissé un traumatisme cérébral catastrophique. Nous nous sommes entretenus avec elle pour en apprendre davantage sur son expérience en tant que jeune personne naviguant dans le système après une lésion cérébrale traumatique (LCT). Vous pouvez lire ici l’histoire de sa mère et de son rôle de proche aidante d’une personne aux prises avec un traumatisme crânien.

Après votre diagnostic, de quoi aviez-vous besoin auquel vous n’aviez pas accès?

Sydney Marconi : Il aurait été bénéfique d’être accompagnée par une personne paire aidante ou de faire partie d’un groupe de soutien par les pair.e.s. J’aurais aimé avoir autour de moi des personnes capables de comprendre et de s’identifier à ma situation. C’est d’autant plus vrai que j’ai été victime d’une lésion cérébrale à l’adolescence et que je me sentais aliénée de mes pair.e.s et que j’avais l’impression de ne pas être à ma place.

Il aurait également été bénéfique qu’on m’explique de manière simple et claire, ce qui se passe lors d’une lésion cérébrale, les symptômes courants à observer, comment dévoiler mon diagnostic et comment s’y retrouver dans le système de soins de santé. Comme j’étais mineure à l’époque, ces questions ont plutôt été abordées avec mes parents. Je n’avais pas l’impression d’avoir un pouvoir d’autodétermination.

Il aurait aussi été pratique d’en savoir davantage sur la voie de traitement prévue. Par exemple, je n’ai pas compris qui étaient les différent.e.s professionnel.le.s impliqué.e.s et quel était leur rôle. Cela m’aurait également aidée de savoir que les professionnel.le.s de la santé qui sont recommandé.e.s ne sont pas toujours le bon jumelage.

Bien que toutes ces informations auraient été utiles, il est également important de se rendre compte qu’elles peuvent être très accablantes, terrifiantes et difficiles à assimiler pour une personne qui a subi une lésion cérébrale. Il serait donc préférable que ces explications s’échelonnent sur une période de temps, en vérifiant qu’elles ont bien été comprises.

Quels défis avez-vous relevés en matière de santé et de qualité de vie?

Sydney Marconi : Ma vie a vraiment pris une trajectoire différente à la suite de ma lésion cérébrale. J’ai commencé à éprouver des problèmes de concentration; de colère; d’agressivité; d’impulsivité; de mémoire; de faible estime de moi-même, de mon sentiment d’efficacité et de ma propre valeur; de fatigue cognitive; de dépression; d’anxiété; de surstimulation; d’indécision; de sensations de choc électrique dans le cerveau/de douleurs aiguës; d’accablement; d’aphasie; de troubles du sommeil; etc. Encore aujourd’hui, nombre de ces problèmes persistent et m’empêchent de conserver un emploi stable, d’entretenir des relations et de mener à bien mes activités quotidiennes (par exemple, l’autogestion des soins, faire les courses, s’occuper du ménage, etc.)

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour obtenir un traitement?

Sydney Marconi : Lorsque j’ai commencé à travailler avec des professionnel.le.s de la santé, on me posait toujours la même question : « Qu’est-ce qui vous amène aujourd’hui? » Ce genre de questions ouvertes me causait beaucoup d’anxiété et je ne savais jamais comment répondre (ne savait-on pas pourquoi j’étais là?). Je finissais par répondre « Je ne sais pas » parce que je ne connaissais pas vraiment les services offerts par cette personne. Cela me donnait l’impression d’être incompétente et c’était souvent noté dans le rapport subséquent comme un symptôme de ma lésion cérébrale. Je me sentais jugée et incomprise.

J’ai également eu l’impression qu’il y avait un manque de communication entre les différent.e.s intervenant.e.s. À chaque fois, je devais raconter mon expérience de l’accident de voiture, ma lésion cérébrale et les symptômes qui en découlaient. C’était très frustrant pour moi et, pour certaines personnes, cela peut mener à un nouveau traumatisme. Tout ce que je voulais, c’était de tourner la page sur cette journée et le fait de la raconter, à de nombreuses reprises, me ramenait à un endroit que j’essayais de laisser derrière moi.

Bon nombre des évaluations et des traitements qui m’ont été proposés ne s’appuyaient pas sur mes forces, mais s’attardaient plutôt sur ce qui n’allait pas et résultaient en des pronostics sombres. Cela m’a découragée de me rendre à mes rendez-vous. Par exemple, on m’a dit que je n’obtiendrais probablement pas mon diplôme d’études secondaires avec ma cohorte, et encore moins que j’irais à l’université (ce que j’ai fait). On m’a également dit que j’adopterais probablement des comportements/activités sexuels à risque, que je serais impulsive, provocatrice et que j’aurais du mal à conserver un emploi. Personne ne m’a jamais expliqué pourquoi, et cela m’a amené à remettre en question qui j’étais en tant que personne. Était-ce la seule chose que les gens voyaient lorsqu’ils me regardaient?

De plus, j’avais l’impression que, quoi que je dise, le récit de mes parents sur ce que je vivais pesait toujours plus lourd que ce que j’avais à dire. J’ai toujours eu l’impression de dire ou de faire ce qu’il ne fallait pas. Si je n’étais pas d’accord avec ce que mes parents disaient, le ou la professionnel.le de la santé disait que j’étais dans le déni et que c’était un symptôme de ma lésion cérébrale.

Avez-vous des solutions à proposer?

Sydney Marconi : Il est difficile de trouver une solution unique, car chaque personne est différente. Mais je pense que le public doit être mieux sensibilisé, être mieux informé et avoir une meilleure compréhension des lésions cérébrales. L’empathie, la compassion, l’écoute active et la validation des sentiments peuvent contribuer grandement à la guérison. Il ne s’agit pas d’un processus linéaire et il est important de ne pas s’appesantir sur les « échecs ».

Je pense également que la philosophie selon laquelle « si tu n’utilises pas les services, tu les perds » doit être modifiée, car ce n’est pas toujours possible de maintenir des rendez-vous constants avec de multiples professionnel.le.s, tout en ayant du temps pour soi et pour son rétablissement. Par exemple, on m’a dit que je devais aller en cure de désintoxication, même si j’avais fait l’effort d’arrêter de boire et de consommer du cannabis de mon propre chef. Mais mon avocat m’a dit que si je n’allais pas en cure de désintoxication, je risquais de perdre mon procès ou de ne pas recevoir de fonds de mon assurance pour d’autres services. J’avais l’impression que ce que j’avais accompli était une perte de temps et n’était pas reconnu à sa juste valeur. Mes actions ne semblaient pas faire de différence.

Si vous pouviez changer quelque chose d’un coup de baguette magique, qu’est-ce que ce serait ?

Sydney Marconi : Permettre à la clientèle d’y aller à son rythme, faire preuve de plus de patience et de compréhension, écouter et croire ce que le client ou la cliente dit est sa réalité, défendre la clientèle tout en l’incluant dans le processus (renforcer la confiance en soi et le sentiment d’efficacité personnelle), disposer de plus d’informations sur ce qu’il faut faire et surveiller à la suite d’une lésion cérébrale (pour la clientèle et l’équipe soignante), et ne pas forcer ou manipuler la clientèle pour qu’elle participe à des traitements qui ne l’intéresse manifestement pas.