Par Kate Zarbatany

Lorsque j’ai reçu un diagnostic d’autisme à l’âge de 13 ans, je ne savais pas trop ce que ça signifiait. Mes parents m’ont simplement expliqué que mon cerveau fonctionnait différemment des autres. Ce n’était ni bon ni mauvais, mais simplement différent.

Ils m’ont dit que j’aurais de la difficulté à comprendre certaines choses… ce que je savais déjà. Je me suis toujours sentie différente des autres et, à force d’entendre les gens dire que je suis bizarre, j’ai fini par le croire.

Honnêtement, il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter mon diagnostic. Je traversais l’adolescence en pleine pandémie de COVID, marquée par l’isolement et les appels sur Zoom. Je commençais à peine à me connaître et il fallait maintenant me redéfinir en tant qu’adolescente autiste.

Je me posais une foule de questions, mais je n’étais pas prête à entendre les réponses. Mettez-vous à ma place… vous découvrez qu’il y a une raison médicale à votre comportement. Comment réagissez-vous à cette information ?

Il m’a fallu du temps pour être capable de parler de mon diagnostic. Il y a trois ans, je n’aurais jamais cru être capable de partager mon histoire…et d’assumer ma bizarrerie ! La vie a été difficile. J’ai souffert d’intimidation tout au long du primaire, au point d’être obligée de changer d’école. Peu importe où j’étais, je ressentais une espèce de barrière invisible entre moi et les gens. J’ai cru qu’on finirait par m’accepter si je trouvais ce qui clochait chez moi. Après sept ans de calvaire, j’ai décidé de confronter un groupe de filles qui me tyrannisaient. Je voulais comprendre ce qu’il y avait de si horrible dans mon comportement pour qu’elles décident de me pourrir l’existence. Je cherchais une raison, une bonne raison, mais leur seule explication était mon comportement bizarre. Heureusement, je suis passée à autre chose en réalisant que le problème, c’était elles, pas moi. Au secondaire, tout a changé. J’ai trouvé un groupe d’amis qui m’accepte, sans poser de jugement.

Aujourd’hui, quand je pense à mon enfance, je peux en rire. Comment est-ce possible qu’on n’ait rien vu ? Tout au long du primaire, même après une évaluation pour un TDAH avec un neuropsychologue, personne ne s’est demandé s’il y avait anguille sous roche.

Mes parents étaient aussi désemparés que moi. Ils ne savaient pas que mes comportements étranges étaient en fait des symptômes. En fait, je pouvais me concentrer et même être hyper concentrée… comme la fois où j’ai lu toute la série Harry Potter en une semaine !

Aujourd’hui, ils reconnaissent qu’ils ne savaient rien de l’autisme à l’époque, n’ayant jamais connu une personne qui en souffrait. J’ai réalisé que leur perception de l’autisme reflétait sa représentation dans les médias. Je me demande si ça explique pourquoi des cas comme le mien passent sous le radar.

Pour tout vous dire, notre monde est conçu pour les personnes neurotypiques. C’est le cas du travail de 9 à 5, du système scolaire et de tous les divertissements comme les concerts, les événements sportifs et les films.

À mon avis, tout ça a été créé en fonction du cerveau neurotypique moyen. Vous avez probablement vu des films comme « Méchantes Ados », ou « Breakfast Club » pour la génération de mes parents, qui sont tous basés sur la hiérarchie sociale. On y retrouve les sportifs, les intellos, les populaires, etc.

C’est moins exagéré dans la vraie vie, mais ça existe. Nous évoluons dans une hiérarchie sociale où chacun connaît sa place d’instinct et le chemin à prendre.

Une autiste comme moi est aveugle à cette hiérarchie… je vois simplement des êtres humains.

Je crois que les jeunes neurodivergents sont souvent laissés pour compte ou perçus comme étant bizarres.

Pour moi, la vie est comme une espèce de jeu compliqué dont je ne connais pas les règles. Les repères sociaux nous échappent, donc on ne comprend pas les métaphores, on a tendance à trop en dire ou on ne réalise pas que les gens n’ont pas tous envie d’entendre parler de nos intérêts dans le moindre détail.

En gros, on ne sait pas lire entre les lignes.

Puisqu’on ne sait pas intuitivement ce qu’il convient de dire ou quelle expression faciale adopter dans telle ou telle situation, on prend notre entourage comme exemple. C’est ce qu’on appelle le « masquage ». C’est un réflexe d’adaptation qui ne règle pas tout. Il nous aide à paraître normaux, mais pas à nous sentir normaux. L’un des aspects les plus irritants de l’autisme, c’est l’impression que nos sens sont exacerbés. Par exemple, je redoute d’aller au centre-ville de Montréal parce que c’est un endroit trop intense. Vous êtes naturellement capables de faire abstraction de certaines choses, alors que je les subis à 1 000 %. La multitude d’odeurs me submerge immédiatement et le bruit des klaxons et des travaux de construction agressent mes oreilles. Pour empirer les choses, les gens pressés me bousculent en se déplaçant. Tout d’un coup, mon cerveau explose sous la pression de ce déferlement d’information. Je commence à faire de l’hyperventilation, parce que je ne sais plus où je m’en vais. C’est une situation que de nombreuses personnes autistes comme moi doivent subir chaque jour.

Tout comme chaque personne est unique, chaque cerveau l’est aussi. On doit faire mieux pour célébrer nos différences et accepter les gens tels qu’ils sont. Même si certains aspects de l’autisme compliquent ma vie, je ne souhaite pas avoir un « cerveau normal ». J’aime la manière dont il fonctionne, parce qu’il me permet de voir le monde d’un œil complètement unique et différent.

Voilà pourquoi je vous demande de célébrer nos différences – faites preuve de curiosité, n’hésitez pas à nous poser des questions parce que c’est en se parlant qu’on a moins peur de l’inconnu.

Cet automne, Kate Zarbatany s’apprête à entamer sa 11e année à l’école secondaire Macdonald High. Elle a de nombreux champs d’intérêt et c’est sa curiosité qui guidera ses choix de carrière. En ce moment, elle contemple la neurologie ou la psychologie comportementale, à titre de chercheuse et d’enseignante. Elle a parlé et écrit sur son expérience de la neurodivergence.

À titre d’agent fédérateur et facilitateur auprès du milieu de la recherche sur le cerveau, la Fondation Brain Canada soutient les efforts visant à réduire les inégalités en matière de santé. Il s’agit entre autres d’évaluer les différentes manières dont les maladies et troubles neurologiques affectent les hommes, les femmes et les diverses identités de genres, ainsi que les différents stades du développement neurologique et du vieillissement. Ainsi, la Fondation Brain Canada espère faire progresser la science ayant égard au sexe et au genre, et ce, en éliminant les obstacles et biais systémiques de manière à favoriser un accès universel aux résultats de la recherche audacieuse et à ses bénéfices.