Pendant des années, Raija Hilska, une designer d’intérieur, a eu l’impression de « toujours traîner quelque chose », que ce soit une profonde mélancolie, une grande tristesse, des émotions à fleur de peau, et même parfois des pensées suicidaires. 

Cet état récurrent l’a empêchée de travailler pendant de longues périodes. « Je n’avais jamais confiance en demain. Je ne pouvais jamais savoir comment j’allais me sentir. » 

Depuis qu’elle a reçu un diagnostic de trouble bipolaire en 2003, Raija est suivie par un psychiatre au Centre de santé mentale Royal Ottawa (Le Royal). Si le lithium et d’autres médicaments lui ont apporté un certain soulagement au fil des ans, la vie s’est particulièrement assombrie lors de la longue pandémie de COVID-19. « J’étais très déprimée, très suicidaire », se rappelle-t-elle.  

« Pendant des années, j’ai essayé toutes sortes de médicaments. J’ai senti qu’il devait y avoir une autre solution », poursuit l’élégante Finlandaise d’origine, mère de deux enfants et grand-mère de trois petits-enfants. 

Puis, elle a trouvé. 

On l’a orientée vers une étude menée au Royal qui utilise la stimulation magnétique transcrânienne répétée (SMTr) — une thérapie non invasive qui émet de brèves impulsions magnétiques à l’extérieur du crâne pour moduler l’activité neuronale du cerveau. 

Grâce à la Fondation Brain Canada, une étude préliminaire sur la SMTr a permis de cartographier le cerveau de 16 témoins sains en mesurant l’activité cellulaire et les circuits cérébraux pour cibler la zone du cerveau qui répondrait au traitement. Une étude ultérieure a permis de tester la SMTr sur 22 personnes souffrant de dépression et d’anxiété, et une étude plus vaste, qui vise maintenant à recruter 200 personnes, est en cours. 

Seulement une semaine après le début d’un traitement quotidien de trois minutes de SMTr dans une clinique de l’hôpital, Raija « a commencé à se sentir différente pour la première fois de sa vie. J’ai eu l’impression que mes yeux s’étaient ouverts. » Le traitement, des impulsions émises à l’aide d’une petite palette émettant un son de tapotement, s’est poursuivi chaque jour pendant un mois, puis sur une base hebdomadaire. 

Dans le cadre de l’étude, Raija a dû remplir de nombreux questionnaires, répondre à des questions après chaque séance, participer à des appels téléphoniques de suivi avec des chercheurs et subir d’autres évaluations. Elle a aussi continué de prendre sa médication. 

Certaines des questions qu’on me posait après les traitements portaient sur le sentiment de tristesse. J’ai vraiment dû y réfléchir avant de réaliser que je n’étais plus triste comme avant. La vie est remplie de choses difficiles, mais ensuite on passe à autre chose. Et c’est là toute la différence. Mon anxiété et mes inquiétudes quant à la façon dont je devais continuer de vivre ont disparu. »

Raija Hilska

Quand l’obscurité s’est enfin dissipée, Raija le croyait à peine.  

« Cette recherche m’a aidée », dit-elle, qui décrivait son humeur comme étant toujours fluctuante. « Quand on ne se sent pas bien, on a tendance à ressasser les choses. Mais quand on parvient à contrôler son cerveau, notre pensée devient plus compacte, et on peut alors se concentrer sur autre chose. Je ne regarde plus en arrière autant qu’avant », poursuit Raija après sept semaines d’étude par SMTr. 

Elle espère que la recherche financée au Royal par la Fondation Brain Canada contribuera à rendre accessible cette thérapie non invasive et relativement peu coûteuse (approuvée pour la première fois par Santé Canada pour le traitement de la dépression en 2002), et à l’intégrer dans les soins de base pour les troubles de l’humeur, qui touchent jusqu’à un Canadien sur trois au cours de sa vie. La plupart des régimes provinciaux d’assurance maladie ne couvrent toutefois pas le traitement. 

Jusqu’à présent, la Dre Sarah Tremblay, neuropsychologue et neuroscientifique au Royal, affirme que les résultats ont été excellents, un pourcentage élevé de participants à l’étude ayant réagi positivement au traitement. Elle devrait publier à l’automne ses deux premières études sur le sujet. 

« Ma famille était curieuse de savoir comment c’était [la SMTr], ce qu’on ressentait, explique Raija. Je leur ai dit que c’était comme se faire faire des mèches chez le coiffeur. » 

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’effets secondaires. Au début, Raija a ressenti des maux de tête et de la fatigue, mais ces symptômes, qui ont fini par disparaître, sont aussi caractéristiques de la dépression. 

« J’ai dit aux médecins qui me donnaient le traitement que j’étais inquiète. Ils m’ont demandé ce qui n’allait pas, et je leur ai répondu que je me sentais tout à fait normale. Ça nous a tous fait beaucoup rire. » 

Raija craignait aussi que la stimulation cérébrale ne la fasse basculer dans la manie, mais cela n’est pas produit. Et même si elle appréhende parfois de retomber dans ses travers, elle se sent rassurée de savoir que le traitement a bien fonctionné une première fois, et qu’il réussira probablement de nouveau, au besoin. 

Pour l’instant, Raija dit qu’elle a l’intention « de vivre dans le moment présent ».